Colloque à Montréal:
Les chrétiens du Moyen-Orient sont-ils victimes d’un génocide?
«Le génocide revêt deux aspects», explique calmement Mgr Jean-Clément Jeanbart, archevêque grec-melkite d’Alep, en Syrie, lors d’un colloque sur la situation des chrétiens au Moyen-Orient qui se tenait à Montréal samedi.
«Le premier aspect est physique. C’est la liquidation. Mais il y a aussi cet autre aspect, aussi important. Il s’agit de cette volonté de déraciner une communauté, de la déplacer dans un autre pays. Une déportation, c’est un génocide contre une communauté déterminée», ajoute l’archevêque syrien qui témoigne sur toutes les tribunes de la misère dans laquelle vit aujourd’hui la population qui a choisi de demeurer à Alep, une ville où s’affrontent depuis juillet 2012 les forces du régime, des factions rebelles et des groupes islamistes.
«Je souffre autant devant le génocide physique que devant ce génocide qui est en train de tuer toute une communauté et toute une Église qui a des racines vieilles de 2000 ans», ajoute Mgr Jeanbart. Samedi, au moment même où il prenait la parole à Montréal, la ville d’Alep était le théâtre de violents combats.
Un génocide
Directrice générale de la branche canadienne d’Aide à l’Église en détresse, Marie-Claude Lalonde n’hésite plus à utiliser le terme génocide quand il est question de la situation des chrétiens du Moyen-Orient ou d’Afrique du Nord. Cet hiver, elle a insisté auprès du gouvernement canadien pour qu’il emboîte le pas au secrétaire d’État américain, John Kerry, qui s’est mis à utiliser le terme.
«On est en face d’une situation qui me semble très claire selon les définitions juridiques internationales: on a l’intention de détruire, totalement ou partiellement, une nation, un groupe ethnique ou religieux. Et ce n’est pas que de la violence physique. Il y a aussi violence quand on prive une population d’eau ou de soins médicaux», a-t-elle déclaré samedi lors de ce colloque organisé par Solidarité internationale trinitaire.
Participant aussi au débat, le politologue Sami Aoun estime que le Moyen-Orient vit aujourd’hui une situation tragique. «Des persécutions violentes changent de façon radicale la situation des chrétiens.» Il parle de déracinement et d’intimidation directe contre les groupes minoritaires.
Mais, ajoute le professeur de l’Université de Sherbrooke, «le déclin et la détresse des chrétiens ou même leur extermination ne sont pas simplement dus à ce moment qu’on appelle la révolution syrienne ou le printemps arabe. Cela dure depuis à peu près deux siècles.»
Spécialiste de la situation politique au Moyen-Orient, Sami Aoun estime que «le monde arabe ou arabo-musulman n’a pas réussi ce qui est le plus important: se connecter à la modernité, ouvrir ses systèmes politiques pour favoriser l’autonomie entre le religieux et le politique ainsi que le respect de la liberté de conscience».
Mais l’humanité assiste-t-elle actuellement, les bras croisés, à un génocide au Moyen-Orient?
«Nous politologues, le terme génocide on l’accepte plus facilement que les juristes», dit le professeur Aoun. «Quand il y a des massacres, des exterminations, des carnages, on peut facilement dire, pour des groupes comme les chrétiens ou les Yézidis, que nous sommes dans une situation de génocide. Quand une décision d’extermination est prise par un groupe ou un gouvernement, alors pour nous, c’est plus facile. Mais pour les juristes, ce n’est pas le cas.»
C’est aussi ce que croit Marie-Claude Lalonde qui explique que quand un pays recourt au terme génocide pour qualifier une situation, cela entraîne des conséquences sur le plan des échanges commerciaux ou des relations diplomatiques. «Je suis convaincue que certains pays n’utiliseront pas ce terme», déplore-t-elle.
Tensions
Les pays hésitent aujourd’hui à intervenir lors de conflits régionaux, constatent les conférenciers.
«Nous sommes aux prises avec des gouvernements qui n’ont pas de valeurs», déplore l’archevêque d’Alep qui rappelle que le monde a assisté récemment à une volte-face des dirigeants européens après la signature d’une entente sur le nucléaire entre les États-Unis et l’Iran.
«L’Occident n’arrive pas à équilibrer ses valeurs et ses intérêts», ajoute le professeur Sami Aoun. «C’est un problème majeur. S’il s’intéresse à ses intérêts, il oublie ses valeurs. Dans l’arène internationale, on a affaire à des monstres froids qui se querellent ou qui rivalisent.»
Cette tension entre intérêts économiques et valeurs éthiques explique pourquoi si peu de pays occidentaux interviennent actuellement pour protéger les minorités religieuses.
Cette inaction fait très mal aux chrétiens du Moyen-Orient, se désole Mgr Jean-Clément Jeanbart. «Notre guerre à nous, en Syrie, c’est une lutte de persévérance et de survie.»
«Aujourd’hui, tout ce que nous demandons, c’est de pouvoir vivre ensemble, amicalement, fraternellement, en respectant les autres et en jouissant du droit d’être respectés nous aussi.»
François Gloutnay
Fuente: http://presence-info.ca/
Colloque à Montréal:
Les chrétiens du Moyen-Orient sont-ils victimes d’un génocide?
«Le génocide revêt deux aspects», explique calmement Mgr Jean-Clément Jeanbart, archevêque grec-melkite d’Alep, en Syrie, lors d’un colloque sur la situation des chrétiens au Moyen-Orient qui se tenait à Montréal samedi.
«Le premier aspect est physique. C’est la liquidation. Mais il y a aussi cet autre aspect, aussi important. Il s’agit de cette volonté de déraciner une communauté, de la déplacer dans un autre pays. Une déportation, c’est un génocide contre une communauté déterminée», ajoute l’archevêque syrien qui témoigne sur toutes les tribunes de la misère dans laquelle vit aujourd’hui la population qui a choisi de demeurer à Alep, une ville où s’affrontent depuis juillet 2012 les forces du régime, des factions rebelles et des groupes islamistes.
«Je souffre autant devant le génocide physique que devant ce génocide qui est en train de tuer toute une communauté et toute une Église qui a des racines vieilles de 2000 ans», ajoute Mgr Jeanbart. Samedi, au moment même où il prenait la parole à Montréal, la ville d’Alep était le théâtre de violents combats.
Un génocide
Directrice générale de la branche canadienne d’Aide à l’Église en détresse, Marie-Claude Lalonde n’hésite plus à utiliser le terme génocide quand il est question de la situation des chrétiens du Moyen-Orient ou d’Afrique du Nord. Cet hiver, elle a insisté auprès du gouvernement canadien pour qu’il emboîte le pas au secrétaire d’État américain, John Kerry, qui s’est mis à utiliser le terme.
«On est en face d’une situation qui me semble très claire selon les définitions juridiques internationales: on a l’intention de détruire, totalement ou partiellement, une nation, un groupe ethnique ou religieux. Et ce n’est pas que de la violence physique. Il y a aussi violence quand on prive une population d’eau ou de soins médicaux», a-t-elle déclaré samedi lors de ce colloque organisé par Solidarité internationale trinitaire.
Participant aussi au débat, le politologue Sami Aoun estime que le Moyen-Orient vit aujourd’hui une situation tragique. «Des persécutions violentes changent de façon radicale la situation des chrétiens.» Il parle de déracinement et d’intimidation directe contre les groupes minoritaires.
Mais, ajoute le professeur de l’Université de Sherbrooke, «le déclin et la détresse des chrétiens ou même leur extermination ne sont pas simplement dus à ce moment qu’on appelle la révolution syrienne ou le printemps arabe. Cela dure depuis à peu près deux siècles.»
Spécialiste de la situation politique au Moyen-Orient, Sami Aoun estime que «le monde arabe ou arabo-musulman n’a pas réussi ce qui est le plus important: se connecter à la modernité, ouvrir ses systèmes politiques pour favoriser l’autonomie entre le religieux et le politique ainsi que le respect de la liberté de conscience».
Mais l’humanité assiste-t-elle actuellement, les bras croisés, à un génocide au Moyen-Orient?
«Nous politologues, le terme génocide on l’accepte plus facilement que les juristes», dit le professeur Aoun. «Quand il y a des massacres, des exterminations, des carnages, on peut facilement dire, pour des groupes comme les chrétiens ou les Yézidis, que nous sommes dans une situation de génocide. Quand une décision d’extermination est prise par un groupe ou un gouvernement, alors pour nous, c’est plus facile. Mais pour les juristes, ce n’est pas le cas.»
C’est aussi ce que croit Marie-Claude Lalonde qui explique que quand un pays recourt au terme génocide pour qualifier une situation, cela entraîne des conséquences sur le plan des échanges commerciaux ou des relations diplomatiques. «Je suis convaincue que certains pays n’utiliseront pas ce terme», déplore-t-elle.
Tensions
Les pays hésitent aujourd’hui à intervenir lors de conflits régionaux, constatent les conférenciers.
«Nous sommes aux prises avec des gouvernements qui n’ont pas de valeurs», déplore l’archevêque d’Alep qui rappelle que le monde a assisté récemment à une volte-face des dirigeants européens après la signature d’une entente sur le nucléaire entre les États-Unis et l’Iran.
«L’Occident n’arrive pas à équilibrer ses valeurs et ses intérêts», ajoute le professeur Sami Aoun. «C’est un problème majeur. S’il s’intéresse à ses intérêts, il oublie ses valeurs. Dans l’arène internationale, on a affaire à des monstres froids qui se querellent ou qui rivalisent.»
Cette tension entre intérêts économiques et valeurs éthiques explique pourquoi si peu de pays occidentaux interviennent actuellement pour protéger les minorités religieuses.
Cette inaction fait très mal aux chrétiens du Moyen-Orient, se désole Mgr Jean-Clément Jeanbart. «Notre guerre à nous, en Syrie, c’est une lutte de persévérance et de survie.»
«Aujourd’hui, tout ce que nous demandons, c’est de pouvoir vivre ensemble, amicalement, fraternellement, en respectant les autres et en jouissant du droit d’être respectés nous aussi.»
François Gloutnay
Fuente: http://presence-info.ca/